vendredi 16 mars 2018

dissocier l'artiste de l'homme





Le sujet de cet article n’a rien de païen, spirituel ou ésotérique, bref n’a rien avoir avec le thème de mon blog. Pourtant il mérite d’être évoqué, car il concerne notre vie de tous les jours, il peut éventuellement nous toucher et nous concerner en tant qu’auteur.e de texte si l’on considère qu’écrire est un art. Il nous concerne aussi dans le sens où chacun.e d’entre nous peut un jour avoir recours aux grands médias pour se faire connaître et devant un certain succès oublier ce qu’iel est avant tout.

Depuis toute petite j'écoute de tout, vraiment de tout. Je suis tellement variée question goût musical que je redoute la question « quelle est ta musique/ton groupe/ton chanteur préféré, car je suis incapable de répondre à cette question : de la musique traditionnelle, folk, dance, electro, rap, metal, rock.... De nombreux groupes de toutes nations ou des chanteurs.euses solos font partis de mes références culturelles. Qu'iels soient connu.es ou considéré.es comme Underground ; parmi tout ça.... Bertrand Cantat ancien chanteur du groupe des années 80/90 Noir désir une perle de rock français. Un certain nombre de ses morceaux font partis de ma vie ; l'épic « sombre héros de l'amer », les images tragiques du clip de « le vent nous emportera », celles qui questionnent sur ce que nous sommes de « Un jour en France » et tant d'autres que j'ai dans mon livre de chant de mes années colos.

Je n'ai jamais nié avoir chanté et écouté ses musiques ; je ne les aient jamais boycotté et ne me suis jamais autocensuré même lorsque j'étais dans le rôle d'animatrice en colonie auprès d'ados. Parce que je les dissocie de leurs auteurs, refusent de sanctionner un groupe entier à cause d'un seul homme et surtout parce que je les aiment ; elles m'émeuvent et me touchent comme de nombreuses autres chansons. De la même manière que j'ai toujours écouté Lucienne Delyle quand bien même j'ai fini par apprendre qu'elle était une maîtresse d'allemand durant l'occupation. Peu importe ce qui en tâche une personne, je ne vois pas l'intérêt de me priver de sa musique si elle m'émeut. D'ailleurs, on ne connait pas toujours les auteurs. Qui peut me dire le nom du gars qui écrit « Scarbourg fair » ? Personne ! Morceau anonyme, si ça se trouve c'était un serial killer dont le texte pourtant travers les siècles.

Un autre exemple avec des textes transcendant les siècles : Le morceau de musique traditionnelle « Helas Madame » qu'on apprend parfois encore aux enfants en tant que comptine. C'est un morceau où l'auteur suggère à sa bien aimée de devenir son servant (romantique, hein ?) et il semblerait que l'homme ayant écrit ce texte ne soit nul autre que le « bon » roi Henri VIII. Vous savez celui qui est connue pour le nombre de ses épouses. Si ce nom ne vous dit rien je vous propose de faire une recherche sur lui et les femmes dans votre moteur de recherche préféré, vous ne serez pas déçu sur ce qu'il y a à dire. Il y a même des films et des séries sur lui. Il a fait tuer quelques unes de ses femmes, surnommé aussi barbe bleue ça vous dit quelques choses ? (Toujours romantiques alors ?) Il aurait accessoirement aussi écris « Greenseelve » pour sa seconde épouse «Anne Boleynn » encore une chanson d'amour malheureuse. (Très jolie, qui reste dans la tête). Ce dire que certaines des plus belles chansons du patrimoine européen sont écrites par le roi qu'on surnomme Barbe bleue, ça surprend non ?

Bon vous trouvez peut-être que je m'éparpille, que je deviens brouillons à parler de choses qui sont très éloignées de l'affaire Cantat et pourtant.... Ça fait quelques temps que je lis dans la presse et que j'entends des discours, sur le fait qu'on lui demanderait de renoncer à son métier ce qui m'interpelle. Vous croyez que c'est vraiment ça le problème avec Bertrand Cantat : qu'on l'empêche de chanter ? Le fait que le bourreau se comporte en victime ça ne vous dérange pas ? Pourtant, je n'ai jamais vu un de ses détracteurs dire qu'il n'avait pas de talent, dire que sa voix avait aussi mal vieillit que celle de Renaud. Je n'ai jamais entendu une personne dire qu'il ne devait pas rechanter ! Au contraire à sa sortie de prison beaucoup de gens (et moi-même) ne demandait qu'à le voir en concert... faisant la différence entre l'homme brutal et le chanteur irremplaçable.



Mais voilà que les choses s'emballe, la presse commence à en faire des tonnes, les adeptes du virilisme qui se sentent castré dès qu'une femme change une roue toute seule s'y mettent, le meurtrier en lui commence à se la jouer victime en ayant pour mémoire deux morts sur la conscience, la presse en rajoute encore une tonne et plus rien n'arrête ce cycle infernale..... Je n'ai rien contre les journalistes, ils font un métier qui n'est pas facile aux périls de leurs vies -du moins pour certains- mais il serait parfois bon qu'au lieu de se targuer de leurs potentiels héroïsmes, qu'ils réfléchissent un peu à ce qu'ils écrivent et à l'impact de leur écris. L'affaire de Bertrand Cantat est une démonstration de la bêtise de la presse qui préfère du trash facile qu'a faire réellement son boulot.

Comme dit précédemment le problème de Bertrand Cantat n'est pas son talent ni son métier ; le problème de Bertrand Cantat n'est pas non plus l'incapacité du public à écouter sa musique en étant conscient des DEUX morts que cet homme a sur la conscience ; le vrai problème c'est la mise en scène de tout ça. Le fait de le mettre en première page tous les deux mois pendant une semaine, le fait qu'il se fasse passer pour un romantique incompris et que les journalistes s'en rendent complice. Le problème de Bertrand Cantat c'est qu'il semble lui même incapable de dissocier son métier d'artiste à la couverture médiatique qu'il lui ait fait et de jouer les victimes alors qu'il est quand même responsable de deux morts. Il y a quelques choses de dérangeant et d'indécent dans cette altitude ; premièrement parce que nous sommes dans une période où l'on commence seulement à prendre aux sérieux les violences conjugale (en traînant des pieds pour certains, mais quand même) ; ensuite c'est une altitude que je trouve aussi indécente pour tous les artistes de talent qui vivent plus ou moins de leurs métiers SANS faire les premières pages de presses... ou même sans être médiatisé tout cours.

A-t-on déjà vue les grands journaux faire l'éloge de John Lang, créateur du « Donjon de Naheulbeuk », de "Survivor", leader du groupe "Naheulband" qui donne clairement beaucoup de sa vie pour son œuvre encore aujourd'hui, qui est relativement fort reconnus dans la culture geek ? Est-ce qu'on voit beaucoup d'articles parler de Mass Hystéria et de leurs prises de position sur les censures de concert au moment du plan vigipirate après le Bataclan - un groupe qui existe depuis 1993, accessoirement. Est-ce qu'on voit beaucoup de première page nationale pour la rappeuse Keny Arkana qui est une perle de la chanson française de ce début du XXIème siècle ? Je suis même presque sûre que pour beaucoup de lecteur, les noms que je cite vous sont inconnus alors qu'on parle de grands talents pour qui le métier et la passion d'artiste sont indissociables de leurs vies.


Quand on entendra parler d'eux, d'autres que je ne connais aussi souvent que l'on entend parler de Bertrand Cantat il pourra peut-être jouer les victimes. En attendant ceux qui confondent l'artiste et l'homme ne sont pas forcément ceux que la presse désigne... Car dissocier l'artiste de l'homme ce n'est pas seulement écouté ou regarder ses œuvres malgré tout, c'est aussi dissocié l'artiste du produit commerciale, c'est différencier métier en tant que tel et la comédie de publicité inutilement lassante autour de quelques uns, cachant la lumière de beaucoup d'autres. Et il serait temps qu'au lieu de geindre sur son sort de meurtrier et de culpabiliser le public pour une situation dont il est le seul responsable, que monsieur Cantat est la décence d'apprendre à dissocier tout cela et accepter de devoir s'effacer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire